Si cette photo évoque de la nostalgie pour certaines personnes, pour les personnes vivant à cette époque cela évoquaient plus des conditions de travail pénibles, et un nombre d'heures conséquent. C'est ainsi que nous sommes passés par la suite à la mécanisation, et à l'intelligence artificielle (IA) aujourd'hui, offrant notamment plus de disponibilité mentale. Mais que faisons-nous vraiment de ce temps disponible ?

L'idée ici n'est pas de rentrer dans des détails longs et fastidieux, ni même de débattre du pour ou du contre, mais bien de faire un tour d'horizon rapide mais explicite, d'une évolution voulue pour soulager l'homme avant tout.

En effet, les hommes ont remplacé progressivement des gestes physiques demandant beaucoup de force, par des sources externes, en s'appuyant sur la puissance animale pour commencer, ensuite mécanique, et aujourd'hui l'intelligence artificielle.

PREMIÈRE PHASE : 
De tout temps l'homme a cherché à améliorer ses conditions de vie, utilisant sa créativité pour trouver de nouvelles façons d'exécuter des tâches difficiles, afin de s'offrir davantage de confort, mais aussi gagner en efficacité. Et qui dit plus d'efficacité, dit gain temps. C'est ainsi qu'autrefois, il était de coutume d'avoir recours aux animaux, notamment chevaux ou boeufs, pour exécuter le travail agricole. L'animal a en effet bien plus d'endurance et de force que l'homme, permettant ainsi une meilleure productivité, et un meilleur rendement. 

Cette externalisation des gestes humains ne fera que s'amplifier de façon phénoménale au fil des siècles, pour s'accélérer considérablement en à peine un siècle !

DEUXIÈME PHASE :
Au début du XVIIIème, ce sont les balbutiements de la machine à vapeur, amorcés par Thomas Newcomen. Ensuite les choses vont s'accélérer avec James Watt, qui fera en sorte d'améliorer considérablement le procédé, jusqu'à voir ses idées exploitées de façon industrielle fin XVIIIème.  C'est ainsi qu'au début du XIXème siècle, plus de 400 machines à vapeur sont en service en Grande-Bretagne. A partir de là, dans le domaine des gestes physiques, les machines vont se montrer remarquablement efficaces, dépassant de loin les capacités humaines en terme de puissance et de rapidité.

Cette deuxième phase de l'externalisation des gestes humains a été un élément clé de l'augmentation de la productivité du travail, offrant une fois de plus, davantage de temps de disponibilité mentale.

TROISIÈME PHASE :
Avec cette nouvelle phase qu'est l'intelligence artificielle, au sens large du terme,  nous ne parlons plus de gestes physiques cette fois, mais d'activités cognitives ! A ce titre d'ailleurs, la victoire de l'ordinateur "Deep Blue" en mai 1997 sur Kasparov (champion d'échecs), qui pourtant en 1996 avait réussi à vaincre l'ordinateur, a retenu l'attention du monde entier, prouvant qu'une machine pouvait désormais battre les capacités intellectuelles humaines dans certaines tâches.

En effet, l'ordinateur calcul bien plus vite qu'un humain, mais est également capable de traiter un volume d'informations et de données bien plus important. L'évolution des ordinateurs depuis ne cesse de progresser...

Et s'il y a un domaine dans lequel le volume d'informations à traiter est conséquent, c'est bien celui du droit. Entre les textes de loi qui évoluent en permanence. Les affaires similaires jugées faisant jurisprudence. Les divers contrats à rédiger... 

Et qui dit volume d'informations, dit temps à y consacrer ! 

Des expériences ont justement été menées chez les avocats, où il a été demandé à 20 avocats de retrouver des erreurs volontairement glissées dans des contrats.

Voici les résultats obtenus, ils parlent d'eux-mêmes !

Au vu de ce qui vient d'être dit, vous vous demandez peut-être : "mais quel rôle va pouvoir encore jouer l'humain, face à un tel développement de l'intelligence artificielle !?" Ce qui est bien normal, et qui est la préoccupation de nombreuses personnes aujourd'hui, soucieuses de voir disparaître leur métier !

Eh bien il reste une chose primordiale ! LA REFLEXION

Il est impossible en effet pour l'IA de faire preuve de réflexion. De trancher entre deux situations. Si l'IA est pertinente pour soulager les humains des tâches routinières, et qui demandent de l'endurance, il lui est bien difficile de faire preuve de discernement. Par contre, en nous permettant de gagner du temps, elle nous permet d'avoir plus de disponibilité pour réfléchir à une situation qui demande de faire un choix stratégique ou autre.

Cependant si un métier ne disparaît pas, néanmoins en tant que professionnel, il devient nécessaire et incontournable de se former aux évolutions métiers en cours et à venir, afin de pouvoir s'adapter au mieux. Car le plus grand risque, dans le cas contraire, c'est bien de voir le fossé se creuser... Difficile, voire impossible ensuite de remonter la pente. Ce n'est donc pas le moment de baisser les bras, mais bien de s'informer et de se former.

Ainsi, une enquête de l'INSEE, montre qu'entre 1986 et 2010, le cerveau a acquis plus de 35mn de liberté mentale par jour, une fois les occupations journalières classiques effectuées (sommeil, toilette, repas, travail, transport...). A noter si l'on remonte plus loin, toujours selon l'INSEE, que depuis les années 1800 cette libération mentale a été
multipliée par 8, et par 5 depuis les années 1900.

Soit environ 17 ans de disponibilité mentale par rapport aux précédentes générations. Un fait inédit dans l'histoire de l'humanité !

Si l'IA a une capacité inégalée à traiter des données, que ce soit en terme de quantité ou de rapidité, il n'en reste pas moins vrai que derrière tout cela, il y a des cerveaux d'hommes et de femmes. Et pour faire court toujours, si cela est possible, c'est grâce à la scolarisation qui a considérablement augmenté dans nos pays développés, passant ainsi de 8 ans à plus de 18 ans. C'est ce qui a contribué ce changement de société, qui est en route désormais vers ce que l'on nomme les démocraties de la connaissance.

Si l'intelligence artificielle a considérablement modifié nos sociétés, offrant plus de possibilités dans la transmission des connaissances, il n'en reste pas moins vrai qu'un danger plane sur la population. Danger qui n'épargne pas les plus jeunes, bien au contraire. Il se cache derrière un manque de sommeil, qui est majoritairement passé sous la barre des 7h !!

Ce phénomène a commencé avec la télévision, pour prendre de l'ampleur depuis avec les ordinateurs, qui ont envahi dans un premier temps les bureaux, puis la sphère privée avec les ordinateurs personnels, les tablettes tactiles, et les smartphones qui dirigent notre attention vers les réseaux sociaux, ou encore pour les plus jeunes, vers les jeux, via des applications de plus en plus nombreuses.

Dit comme ça, cela n'a l'air de rien ! Et pourtant...

Quel drôle de nom que celui des "dormeurs sentinelles" ! Car il s'agit là du nom donné à certains dormeurs des temps modernes. Si ce terme fait sourire dans un premier temps, il fait froid dans le dos dans un second temps.

Derrière ce terme de "dormeurs sentinelles", se cachent en fait des personnes (majoritairement des jeunes) qui dorment avec leur smartphone sous l'oreiller, ou sur la table de chevet, et qui se réveillent au minimum une fois par nuit, non pas pour boire un verre, aller aux toilettes ou voir s'il n'y aurait pas quelque chose de sympa à manger dans le fond du frigo ou des placards ! Mais tout simplement pour consulter leur téléphone, à l'affût d'un sms ou d'un post à ne pas manquer sur les réseaux sociaux.

Ce qui a valu ce cri d’alarme poussé par l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) qui a choisi, à l’occasion de la 16ème journée du sommeil en mars 2016, le thème Sommeil et nouvelles technologies^[1]. Un thème qui a également fait l’objet d’une enquête menée avec la MGEN.

Si les conditions de travail ont considérablement évolué au cours des derniers siècles, avec des journées de travail plus courtes. Des journées de repos hebdomadaires. Des congés payés.... Si la scolarité a permis au plus grand nombre l'accès à davantage de connaissances. Si les technologies de l'information et l'intelligence artificielle n'ont cessé ces dernières années de prendre de l'ampleur, et d'ouvrir le champ des possibles. Si toutes ces avancées offrent plus de disponibilité à notre cerveau pour se pencher sur des tâches permettant d'enrichir nos connaissances, voilà qu'un problème de taille se pose ! Et pas des moindres...

En effet, cette surenchère à l'information. Aux jeux ou applications récréatives. Aux différents réseaux sociaux... Tout cela c'est autant d'heures passées derrière les écrans, captant ainsi la grande majorité de notre attention, au détriment de notre épanouissement :

Selon un autre sondage fait aux Etats Unis, en à peine 10 ans, les jeunes ont migré de la télévision, vers internet et les réseaux sociaux essentiellement. En d'autres termes, en tout juste 10 ans, c'est 30% supplémentaires de la disponibilité mentale des plus petits qui ont été absorbés par les écrans (tout écran confondu : TV, tablettes, smartphone, ordi)

Même si ce sondage a été fait aux Etats-Unis, nous savons pertinemment que nous sommes nous aussi sur le même chemin... Il vous suffit de regarder vos jeunes enfants. Vos adolescents, ou encore les adultes dans la rue. Ou au restaurant par exemple.

Qui n'a jamais assisté à une scène de ce genre là ? Trois personnes autour d'une table, chacun consultant son smartphone, en attendant l'arrivée des plat ! Si suite à l'épisode Covid les retrouvailles atour d'un verre ou d'un repas ont été pleinement tournées vers l'autre, espérons que cela puisse avoir servi, et que ce genre de scène, où chacun consulte son portable au lieu de discuter ensemble soit plus rare.

Pourtant d'un naturel optimiste, j'avoue en douter par moment...

C'est en se rendant compte de cette captation de notre attention, que nous pourrons nous reprendre en main, mais surtout entretenir et développer notre esprit critique. Car à l'heure où tout le monde se déchaîne sur les réseaux sociaux et autres médias, c'est loin d'être un luxe, mais bien une nécessité, je dirais même une URGENCE ABSOLUE !!!

Pour montrer toute la puissance de cette captation, voilà un calcul rapide qui fait froid dans le dos.
Si on prend une captation moyenne de 6h par jour, tout écran confondu (TV, ordinateur, smartphone) soit :

Je vous laisse faire le calcul sur une période de 10 ans... A noter que si l'on utilise encore le mot "téléphone", il s'agit plus d'une mini tablette, que l'on peut transporter facilement grâce à sa petite taille, et donc consulter à tout moment, que ce soit pour une recherche internet, pour partager ou voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux, envoyer un sms ou autre message via les différentes applications (WhatsApp, Discord...), et accessoirement téléphoner ! 

Ce constat risque fort de vous faire sourire dans un premier temps, cependant dans un second temps,  il risque de vous amener à regarder de plus près votre propre comportement ! Et qui sait, prendre davantage conscience de cette addiction sournoise.

Ce constat vous pouvez le faire chaque jour très facilement, à la caisse des supermarchés. Comment ?

C'est simple : regardez autour de vous lorsque vous arrivez à la caisse de votre supermarché. Que voyez-vous majoritairement ? Des personnes absorbées par leur téléphone, à envoyer des sms ou consulter les réseaux sociaux en attendant leur tour. Parfois même, certaines personnes rangent leurs achats et payent, tout en étant au téléphone à discuter, avec un interlocuteur invisible à nos yeux, portant si peu d'intérêt à la caissière devant elles, en chair et en os, bien visible quant à elle ! A noter que tout cela c'est fait en douceur, sans que ni vous ni moi nous nous en rendions compte...

Et bien l'air de rien, ces nouvelles habitudes ont fait chuter les ventes de chewing gum^[2]. Cet achat que beaucoup d'entre nous faisions en dernière minute, attendant notre tour à la caisse est passé à la trappe, devant une nouvelle sorte d'addiction : celles des écrans !

Si cet exemple semble anecdotique, celui-ci va très certainement vous faire sourire davantage. Il s'agit tout simplement du fait d'aller aux toilettes avec son téléphone ! 

J'imagine d'ailleurs que ça vous parle n'est-ce pas ? Que ce soit vous, votre conjoint ou vos ados, pas une famille n'est épargnée par le phénomène. Si cela fait bien sourire, il y a de grandes chances pour que vous y pensiez après lecture de ces quelques lignes la prochaine fois que vous vous dirigerez vers les toilettes ;-)

Ce constat si facile à faire, montre bien à quel point, de façon insidieuse, notre attention a été petit à petit captée par les écrans, notamment cet écran de téléphone dans le cas présent.

Un écran, ici bien que petit comparé à d'autres, qui ne nous quitte jamais et prend de plus en plus de place...

Pour autant, il ne s'agit là que d'un objet ! Les seules personnes qui peuvent changer cet état de fait, ne nous voilons pas la face, c'est bien NOUS les êtres humains, de par notre comportement, et la façon d'éduquer nos proches et enfants sur le sujet, au travers d'échanges et transmission de connaissances, permettant ainsi à chacun de prendre conscience de ces dérives cognitives.

Si l'IA a pour but premier d'externaliser les activités cognitives, pour laisser place à plus de réflexion, le plus grand risque aujourd'hui, est de voir toute votre attention captée par les écrans, au point de se retrouver submergé par un flot d'informations incessant, rendant difficile votre épanouissement personnel.

En effet, toutes les informations, images et vidéos que vous voyez, véhiculant bien souvent colère, haine, violence, ou encore faits divers tragiques, sans parler des commentaires injurieux et autres informations du même genre, influencent les pensées et la santé mentale, au risque d'appauvrir la connaissance sur le long terme pour certaines personnes, et même renforcer leurs peurs. Mêmes les moins fondées.

A contrario, les images de rêve, ou encore tous ces "likes" suite aux dernières images postées, et tous les commentaires de félicitation ou d'approbation, font monter votre taux de dopamine, cette hormone du bonheur, bien connue des neurosciences, et procurent du plaisir. Cependant, ne nous leurrons pas, il ne s'agit là que d'un moment de plaisir furtif, et non de moments de bonheur, tant convoités ! Le bonheur, le vrai est bien plus subtile, et dépend de notre épanouissement personnel.

==> La manipulation cognitive n'est donc pas loin, et peut être dévastatrice...


Il faut donc garder à l'esprit que l'IA doit avant tout nous servir, et non nous asservir pour mieux nous desservir, au profit d'industries peu scrupuleuses, dont l'intérêt premier est de retenir toute notre attention.

Vous l'avez compris, votre attention vaut de l'or...